Deuxième leçon – Ontologie 1
Écartant toute considération chronologique, commençons par l’ontologie.
On va donc chercher à décrire comment un individu humain accède à la conscience de soi et à l’âge adulte, voire à l’Être — mais aussi toutes les embûches sur le chemin.
L’Horizontale originelle
Pour comprendre l’amorce du phénomène, il suffit de savoir distinguer l’horizontale de la verticale. Avec cette seule géométrie à deux dimensions, on saisit tout — pourquoi ne pas faire simple ?
Voyons.
Au début était l’Horizontale…
Que si l’on cherche à se représenter le début de tout, c’est l’image de l’Horizontale qui s’impose, en tout cas qui revient dans un grand nombre de mythologies. L’exemple que tu connais sans doute est celui de la Bible : « Le souffle de Dieu planait à la surface de l’eau.» (Gen-1:1) Il y en a d’autres, chez les Grecs et chez bien d’autres. Ce qui, physiquement, donne la meilleure image de l’Horizontale, c’est l’océan, la mer.
Cette image apparaît d’autant plus juste dans l’AO que, comme tout mammifère, le petit d’homme prend son origine dans l’eau : le liquide amniotique où il se forme et développe tous ses organes, ce corps qui sera sa base d’être, sa propre Horizontale.
L’Horizontale apparaît dans l’AO comme le Symbole de la modalité zéro de l’Etre.
L’individu humain débute par cette Horizontale. Ensuite ?
La conquête verticale
Prenons l’image de la graine. Elle tombe sur le sol — sur l’Horizontale—, s’enfonce dans l’obscurité humide de la terre, pourrit (« Si le grain ne meurt… » Jn-12:24) et va ainsi donner naissance à une nouvelle plante, laquelle se manifeste d’abord sous la forme d’une tige, qui se fraie bientôt un chemin vers la surface et émerge, crue et vive, pour conquérir, petit à petit, la Verticale.
La dynamique ontologique
L’AO propose cette image pour rendre compte de la dynamique de l’Etre : l’Horizontale originelle dont la créature émerge pour pousser et s’épanouir dans la Verticale.
A ce titre, l’humain est exactement comme la plante : il sort du terreau maternel, conquiert la position verticale en parvenant un jour à se mettre debout, et, de même que la plante cherche la meilleure exposition pour épanouir sa fleur et donner son fruit, l’humain cherche les conditions optimales pour épanouir son Être.
Si, selon Pascal, l’homme est un roseau pensant, c’est qu’il est parti du plus profond de l’Horizontale glauque, et qu’au sommet de sa fragilité qui, ainsi que dit La Fontaine, plie mais ne rompt pas, il a développé cette complexité féconde, siège de son Être.
Cependant, le roseau est une image a minima. En effet, l’humain ajoute une dimension à cette dynamique. L’Être — la dimension qui fonde l’humain parce que l’humain seul accède à l’Être — l’Être est non seulement une croissance mais un cheminement. L’humain, s’il se met debout, c’est pour marcher : l’humain, ou celui qui va. Et non seulement physiquement, mais psychiquement, et affectivement, et intellectuellement, et spirituellement. L’humain, étape après étape, progresse. C’est pourquoi l’AO nomme la dynamique de l’Être, et la route qu’elle suppose, le Processus.
Le Processus, c’est ce cheminement qui, partant de l’Horizontale, va le plus loin et le plus haut possible dans la dimension de la Verticale.
Le Processus peut se formuler d’une autre manière encore.
En effet, sortir de l’Horizontale, c’est s’arracher à l’origine, à ce qui est la substance matricielle, totalement connue, pour entrer dans un monde entièrement neuf, intégralement inconnu : c’est quitter la substance dont on procède pour la risquer dans un univers dont on ne sait rien ; c’est quitter la chair dont on est la chair pour s’aventurer dans un air sans exemple. Le Processus est donc, essentiellement, quitter le Même pour s’aventurer dans l’Autre.
Il s’impose ici de remarquer — essentiel pour la suite — que le Processus, puisque c’est se hasarder dans l’Autre, suppose un risque.
Cependant, quel que soit le risque, le Processus est universel. Quelque mesuré que soit parfois le progrès, il n’existe pas de créature vivante qui soit strictement semblable à elle-même de la naissance à la mort — l’humain moins qu’aucune autre. Cette évolution, cette progression individuelle obéit au grand principe immanent qui régit tout dans la nature et que l’AO appelle la Loi. Nul ni rien ne peut échapper à la Loi, laquelle peut se formuler de mille manières : tout corps physique est soumis à la gravité ; tout ce qui est vivant mourra ; tout ce qui vit va, etc. — Tu peux en trouver d’autres : regarde autour de toi.
Le Processus est d’abord un phénomène physiologique — l’humain vient au monde et commence à grandir — ensuite psychique — il accède à la conscience et se prend à désirer — enfin spirituel — il conçoit la Loi et l’Être et entreprend de vouloir.
Être ne se confond pas entièrement avec vivre, mais il faut vivre pour être, ou bien la vie est la condition de l’Être — autre formulation de la Loi.
Voir les exemples des mythologies grecque et germaniques analysés dans les deux premiers tomes de la Trilogie du Héros : LE HEROS ET L’ADULTE ; LE HEROS ET LE COMPARSE
Bilan leçon 2 :
Autre : Ce qui est au-delà, ailleurs, inconnu, inédit, inouï ; l’inattendu, le changement, la métamorphose, la rupture. — S’oppose au Même.
1. Originelle : l’existant. Le substrat premier qui sert de fondement à la vie et à l’Etre.
2. Dans le Processus, le plus bas degré de l’Etre.
Loi : L’ordre naturel immanent qui régit la nature et s’impose à tout comme à tous dans la vie et le Processus.
Même : Ce qui se reproduit, ou est reproduit, toujours semblable à soi-même, l’entièrement identique et l’intégralement connu. — S’oppose à l’Autre.
Processus : Le parcours individuel qui part de l’Horizontale originelle et progresse toujours plus haut sur le chemin ascendant de la Verticale de l’Autre.
Symbole : Instrument imagé, métaphorique, que se donne la pensée pour appréhender le monde, la vérité, la Loi, et tout ce qui constitue les comportements humains.
Verticale (premier sens : ontologique) : La direction ascendante dans le Processus de l’Etre.