AO ET LAÏCITÉ (1)
Le long passage et en profondeur de l’AO par Rousseau a permis d’enrichir et d’affiner sa grille d’analyse, ce qui se traduit par la création de trois nouveaux concepts : le Politique, le Religieux et la République.
I. POLITIQUE ET RELIGIEUX.
Rousseau oppose les besoins et les désirs : les besoins, adéquats à la nature, ou à ce que l’AO appelle la Loi ; les désirs, contre-nature ou déni de la Loi, ce que l’AO appelle le Désir. Les besoins demeurent sur la seule aire du bien, lequel se confond avec l’amour, amour dans lequel Rousseau permet de discerner l’amour de soi qui ne peut s’identifier qu’à l’amour d’Autrui ; le Désir débouche immédiatement sur la vaste zone du mal, lequel se confond tout entier avec la violence, que celle-ci s’exerce contre Autrui ou contre soi-même.
À l’opposé des besoins qui mènent à un savoir, celui de la nature ou de la Loi, le Désir engendre toute croyance, toutes les croyances. Sur le plan individuel, les besoins appellent le Savant quand le Désir suscite le Croyant ; sur le plan collectif, les besoins débouchent sur le Politique tandis que le Désir s’engouffre dans le Religieux. C’est dire que les besoins tendent à édifier la République, fondée sur le contrat social, et le Désir à échafauder le Système, fondé sur le Mythe. C’est d’un côté la transcendance vraie de la communauté qui instaure une Autorité, de l’autre la transcendance fausse de Dieu qui impose un Pouvoir.
À partir de là, comment l’AO peut-elle définir la laïcité ?
II. LA LAÏCITÉ ou L’EFFORT DU POLITIQUE.
Il est évident qu’elle ne peut trouver place que dans le cadre de la République. Tandis que le Religieux est un effort pour faire prévaloir en tout, partout et toujours le Système, donc à imposer Dieu et ses Injonctions sur toute la surface de la collectivité, la laïcité est un effort et finalement une disposition du Politique pour se distinguer radicalement du Religieux et se soustraire définitivement à lui. En l’occurrence, il s’agit de ne faire prévaloir sur la sphère publique que les lois rationnelles promulguées par l’Autorité et de renvoyer dans la sphère privée les Injonctions divines ou irrationnelles intimées par le Pouvoir. La laïcité, toute politique, n’étant pas elle-même un Pouvoir donc ne procédant pas d’une croyance, n’en interdit aucune : elle les neutralise toutes sur la sphère publique et y invalide de même les Injonctions qui en découlent. La laïcité, si elle est une anti-croyance (ou un principe de non-croyance) sans être une contre-croyance (ou une croyance rivale), relève de l’Athéisme, lequel est seul compatible avec la République puisqu’il est l’essence même du Politique.
« Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » dit l’Évangile. La formule est valable dans le cadre de l’AO à condition toutefois de poser clairement que “César” est le Symbole du Politique opposé à “Dieu” Symbole du Religieux, et non pas un Symbole du Pouvoir, auquel cas il s’agirait d’un retour au sein du Religieux, avec simplement – ou désastreusement – une Rivalité inexpiable entre deux instances animées de Désir agressif pour confisquer le statut de Dominant au sommet du Système (cf. les luttes de Pouvoir entre le pape et l’empereur ou le roi qui marquent sur toute sa longueur l’histoire de l’Occident chrétien). La laïcité n’est pas un contre-Pouvoir mais un anti-Pouvoir, c’est-à-dire une Autorité.