BILLET 1 : LE VOILE ET LE CORPS
Entre les articles, de fond, je glisserai des billets, d’humeur : juste une touche pour l’accroche, et la réflexion suivra.
LE VOILE ET LE CORPS
Ce matin, faisant mon vélo, j’ai croisé deux femmes, une plus âgée, une plus jeune, certainement la mère et la fille, qui faisaient leur jogging. — Et alors ?
Eh bien, elles étaient voilées de la tête aux pieds, juste le visage au jour, comme une pleine lune à lunettes au milieu du rideau. Et ainsi, dans cet appareil, dans cet équipage, couraient-elles, la fiole d’eau minérale à la main. — Et alors ?
Je suis un adepte du sport, tardif mais adepte : je me suis mis au vélo à 60 ans, pour me gommer un petit bide naissant et des poignées d’amour superfétatoires ; il n’y en avait pas des kilos mais ce peu était trop. Voir deux femmes courir, et de concert, ou de conserve, voilà qui me réjouit. Mais voilées ?
Je me suis dit sur le coup, et je me répète après coup : « C’est comme boire ou conduire : il faut choisir. Soit elles tiennent au voile et elles ne courent pas ; soit elles courent mais elles ôtent le voile.»
Pourquoi cette alternative ?
Courir, c’est accorder ce qu’il mérite au corps. Non ? Alors, comment peut-on octroyer son dû au corps en l’effaçant, en l’annulant sous l’oripeau injonctif ? Comment peut-on offrir une expression au corps tout en l’incarcérant dans la guenille religieuse ?
L’Être requiert une base, une Horizontale : le corps. Celui-là, la religion le hait. Pourquoi ? Le corps est le lieu de sensations et de voluptés — celles mêmes de l’Être — qui échappent à l’Injonction. Pour l’individu, la Souveraineté commence par la possession de son propre corps : la religion ne le peut souffrir, et le fait souffrir.
Il faut féliciter ces deux femmes de courir ; il faut les plaindre d’être voilées.
Elles me sont à la fois très proches comme des amies, et interdites comme Croyantes.