Billet 8 : SARKOZY ou le devoir de Pouvoir

Dans une interview toute récente, Nicolas Sarkozy fait savoir qu’il pourrait revenir en 2017, non pas cependant par envie, simplement par devoir – pour la France.

Voilà qui mérite un petit examen.

Pour procéder à cet examen, il s’impose de considérer un autre de ses propos, dans la même interview : il confie n’avoir aucune envie de retrouver le monde politique, qui lui procure un ennui mortel. A partir de là, il semble bien que tout soit clair.

 

Quand on a vu le comportement de cet homme, comme ministre de l’intérieur d’abord, puis comme président de la république ensuite ; quand on a vu sa soirée au Fouquet’s le soir de l’élection puis ses vacances sur un yatch amical et néanmoins luxueux peu après ; quand on a entendu ses propos autour de la Rolex et qu’on a vu toute la quincaillerie bling-bling qu’il a fait clinquailler autour de lui pendant la quasi durée de son mandat, on ne peut en douter : autant d’indécence (d’obscénité ?) montre, sans qu’on puisse s’y tromper une seconde, que cet homme est tout entier mené, possédé, dévoré par le Désir. Désir du Pouvoir, Désir du sommet de ce qu’est pour lui la France, ou plutôt de ce à quoi il la réduit, à savoir un Système.

Sa défaite électorale en 2012 aurait pu provoquer en lui un changement profond, voire une mutation radicale. Il apparaît, à la lumière de cette interview, qu’il n’en est rien. C’est de toute évidence le Désir qui suinte de partout, encore, toujours. S’il y a changement, c’est dans la manière. Avant, il l’affichait, ou ne se préoccupait nullement qu’il transparaisse ; maintenant, ayant visiblement compris que cette indécence jouait contre lui, ou plutôt contre ses intérêts comparses, il a pris le parti de le déguiser.

Comment s’y prend-il ?

D’abord, il renonce à ce qui avait été sa marque : la première personne. Il a remisé le « je veux » au profit du « ils veulent », ce pronom renvoyant à ses amis, à ses partisans, voire aux Français : « Ils veulent que je revienne ». Mieux ! Au delà même du personnel pluriel « ils veulent », il passe à l’impersonnel « il faut » : « Je reviens parce qu’il le faut ». Sentant que le « ils » n’était pas encore assez opaque et qu’il y transparaissait comme un filigrane d’or fin, il change de masque, il passe à l’écran total que ce spécialiste des vacances bronzées sait manier par couches ou à la louche. Cette fois, il a recours à une sorte de transcendance, que personne ne saurait critiquer ou même seulement soupçonner : le devoir. Cependant, cette valeur transcendantale étant peut-être un peu délicate à manier dans le monde des manœuvres électorales, il éprouve le besoin de la dépasser tout de suite par une autre, dont il espère cette fois qu’elle sera hors de toute atteinte : la France – le patriotisme… Alors là, qui oserait ?

Mais comme toujours, le Désir se trahit. Nicolas Sarkozy confie que le monde politique l’ennuie ; il fait même état, à titre d’exemple et d’illustration, de la façon dont on a osé le traiter, ses heures d’interrogatoire dans l’affaire Bettancourt, son épouse interdite de chanter… Cette fois, vous voyez ? Ennui, dit-il ? Il parle des emmerdes.

Oui, il a changé, mais pas comme on pourrait croire, ou plutôt exactement comme on pouvait s’y attendre. Il a goûté au Pouvoir absolu : il désire le même. Mais il a fait aussi l’expérience des inconvénients du Pouvoir, dont on ne saurait douter qu’ils sont nombreux : il a vu et senti de l’intérieur que celui qui se tient au sommet du Système, autant qu’on l’envie, ce qui le faisait jouir, on le hait, ce qui le faisait souffrir ; le Dominant, autant qu’on le célèbre, on le débine, autant qu’on le louange et qu’on l’encense, on le dégomme et l’assassine. Alors ? Eh bien c’est clair et simple. Il nous fait savoir tout uniment : « Je reviens parce que j’en ai le Désir, mais uniquement pour les bons côtés.» Et même, le Désir faisant toujours du Comparse un Croyant, il s’imagine, le projetant sur la France, que c’est la majorité des Français qui souhaite son retour ; et son discours est alors à entendre comme : « Si vous voulez me revoir au sommet, débrouillez-vous pour m’épargner tous les déboires du Pouvoir. Cédant à la demande générale, je reviens ; mais à une condition : que le bon soit pour moi et le mauvais pour qui veut !» Ses “amis” d’ores et déjà sont prévenus : il leur faudra jouer le rôle de fusibles, de paratonnerre, voire de mange-merde – chacun sa vocation…

 

Et toi, as-tu envie de revoir en président un tel individu ?

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