LES MYTHES À BORNE

Une importante séquence de cette invraisemblable réforme des retraites vient de se clore. Nul besoin d’être extraordinairement perspicace pour constater que, de bout en bout, elle aura été un geste de Pouvoir, et en l’occurrence d’une brutalité rare. Mais le Pouvoir, toujours secrètement honteux puisque généré par le Désir, éprouve le besoin de dissimuler sa violence, de la déguiser, de la farder, de lui donner belle apparence voire de l’enguirlander de sourires attrayants : le produit de ce travail d’occultation s’appelle « Mythe ». Bref, le Mythe n’est rien d’autre qu’un cache-violence. Cependant – et d’une certaine manière c’est rassurant – le Mythe, de quelque façon, trahit cela même qu’il est censé dérober.

Il se trouve qu’en la matière, madame Borne vient de fournir deux beaux exemples.

• D’abord, ce que d’aucuns ont osé voir comme un geste d’indépendance de sa part, elle a déclaré qu’il fallait maintenant accorder aux syndicats une période de convalescence. Convalescence ? Voire ! Ne faudrait-il pas plutôt parler de soins intensifs (la dernière étape avec les soins palliatifs) ? Convalescence : quel bel aveu ! Avec ce mot, ce qui est avoué en effet, c’est que les syndicats, donc les Français qu’ils représentent, donc potentiellement tous les Français qui travaillent, ont été violentés, molestés, passés à tabac, et cela au point qu’il faudrait maintenant leur laisser le temps de panser leurs plaies, blessures et autres contusions. C’est avouer que tout au long de la séquence, il n’a jamais été question de dialogue, de débat, mais uniquement de coups, appuyés de « Ferme-la ! » voire de « Écrase-toi ! »

• Deuxième exemple de Mythe : après la validation du texte par le Conseil constitutionnel, madame Borne a twitté qu’il n’y avait « ni vainqueur ni vaincu ». De nouveau un aveu mais, alors que « convalescence » était un Mythe par euphémisme, le twit est un Mythe par inversion. En effet, il faut ici comprendre le contraire de ce qui est déclaré : « Vous l’avez tous dans l’os ! Hourrah ! » Ou, pour qui veut détailler : « Il y a un vainqueur : c’est nous, parce que c’est nous qu’on décide et pis c’est comme ça et silence en bas, bande de crétins ! » et bien sûr le corollaire : « Il y a un vaincu : c’est vous, parce que vous n’avez pas à la ramener et vous pouvez dire ce que vous voulez, on n’en a rien à foutre, bande d’imbéciles ! »

Cette réforme des retraites, qui, avec les syndicats, aurait dû être une loi, est devenue, à cause de Macron and co, une Injonction. Ces deux Mythes à la sauce Borne, bien cuits et entourés d’une faveur rose façon œuf de Pâques, en disent long et sans doute même disent tout au sujet de la démocratie à la Française sur toute l’aire et tout au long de l’ère de la Macronie. En ce royaume, on n’est plus dans le Politique mais dans le Religieux car plus dans la République avec un peuple souverain mais dans le Système avec un petit dieu tout puissant.

Honte à Jupiter !

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