POLITIQUE ET RELIGIEUX (3)

(Suite et fin de la réflexion commencée dans les deux articles précédents.)

I. LE TERRORISTE.

Pour compléter ce qui a été analysé dans les deux articles précédents concernant le désir régressif qui le caractérise et la terreur que lui inspire son dieu, il faut bien discerner que le terroriste, évidemment, n’est que Haine du politique et Haine de l’Autre, et qu’il n’excipe que d’un scrupule de religion pour déchaîner le religieux. Si la religion est bien un effort du religieux pour se formaliser, se normaliser et encadrer sa propre violence, le terroriste est celui qui pousse l’obéissance à ses Injonctions jusqu’à l’absurde meurtrier. Là où l’Injonction dit : « Tu aimeras Dieu de toutes tes forces », il fait semblant d’entendre : « Tu tueras donc tous ceux qui portent atteinte à l’honneur de Dieu » ; là où l’Injonction dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », il fait semblant d’entendre « Tu tueras donc tous ceux qui ne sont/font pas comme toi-même ».

Le terroriste est la preuve vivante et atroce que le religieux est totalement aliénant et toute religion une prison.

II. LE FRONT NATIONAL.

A. LE FN ET LE RELIGIEUX.

Il faut prendre garde qu’un Symbole du politique peut toujours être dévoyé et rejeté régressivement vers le religieux et redevenir Mythe. C’est ce qui arrive au drapeau bleu-blanc-rouge ou à Jeanne d’Arc avec le Front National. Celui-ci ignore ou hait le politique : il aspire à restaurer le religieux, c’est-à-dire le Pouvoir intégral, avec ses Privilèges (qu’il dit « nationaux ») et ses boucs émissaires (musulmans, migrants, etc.) Le nationalisme est une forme du religieux qui cherche à se faire passer pour une réalisation privilégiée du politique. Alors que le patriotisme est du politique pur, fondé sur les besoins – « la France est nous » – le nationalisme est du religieux intégral, fondé sur le Désir – « la France est à nous » (= « Ceci est à moi » au pluriel) : le “nous” de la première formule est une identité (un Être), celui de la seconde un Privilège (un Avoir). Tandis que le patriote révère son identité et accueille l’Autre, le nationaliste idolâtre son Même et hait l’Autre. La République peut accueillir tous ceux qui sont prêts à contracter avec elle, c’est-à-dire à respecter ses lois  ; le nationalisme rejette tous ceux qui ne peuvent obéir à l’Injonction d’être de son Même.

B. LE FN EI LA LAÏCITE.

La laïcité est le nom que porte la mesure que la République a prise pour se garantir du religieux divin (Dieu, idole fruit du Désir régressif)) – étant bien entendu que le nom reste à trouver pour celle qui la garantirait également du religieux mondain ( AvoirPouvoir-gloire, triple idole fruit du désir agressif). La laïcité, séparation de l’Eglise et de l’Etat, est la distinction radicale opérée entre ce qui relève du religieux, et doit être rapporté au Désir, et ce qui relève du politique, et ne procède que des besoins. La laïcité dit clairement, selon le politique : « Toi, l’individu que tu as toute latitude pour être le Comparse que tu désires dans ton privé ou de croire en tel dieu qu’il t’agrée et d’obéir à ses injonctions, mais tu as le devoir d’être un citoyen dans l’espace public ou d’adhérer aux valeurs de la République, d’observer et de défendre ses lois.» Là encore, le FN trahit totalement ce principe du politique, faisant d’abord de la France un dieu et tenant ensuite un discours typiquement religieux : « Seule la France est Dieu et le FN est son prophète : tu ne dois pas avoir d’autre dieu que la France et tous ceux qui ne croient pas en ce dieu, n’obéissent pas à ses Injonctions ou veulent en imposer d’autres, tu dois les haïr d’abord et les chasser ensuite. » Si en effet tous les sectaires (bretons, catalans, corses, islamistes, scientologues, etc.) sont des ennemis de la République, le FN ne l’est pas moins et l’est même davantage puisque disposant d’une tribune plus large et d’une puissance de feu plus conséquente : tous sont dans la logique dure du religieux contre la logique pure du politique.

III. LE REFLEXE POST-ATTENTATS.

Le retour du drapeau et de l’hymne national après les attentats du 13 novembre pourrait relever bien davantage d’un réflexe de vie vers l’avant en direction du politique que d’un réflexe de survie vers l’arrière en direction du religieux. Le drapeau et la Marseillaise ne sont pas des recours nationalistes ni même patriotiques mais bien davantage des cris de confiance envers la vie et l’humanité qui font toute la teneur du politique. – C’est pourquoi le slogan qui a couru après les attentats – « Pray for France » – apparaît particulièrement mal venu si ce n’est aussi navrant qu’inquiétant : c’est non pas réagir au religieux par le politique mais au religieux par le contre-religieux, ou par un religieux qui est le Rival de l’autre et donc qui, étant son Rival, en est le double, le Même.

Oui, devant les attentats, ce n’est pas une bible qu’il faut brandir : c’est bien un drapeau – non pas un pavé du religieux mais un étendard du politique.

IV. CROIRE.

Dans le cadre du politique, il est possible de conserver le croire mais il faut en réformer la nature, et cela par le simple changement de la préposition servant à construire son complément : non plus en mais à. Il faut cesser de croire en Dieu, en l’après-monde, en la vie éternelle, tous objets du Désir ; il faut continuer de croire à la politique, à la vertu (comme Rousseau), à l’effort ou à la Volonté, à la (bonne) volonté, à l’humanité, à l’envers de la violence qu’est l’amour, tout ce qui en nous exige en tant qu’essentiels besoins. En fait, il faut bien distinguer que ce « croire à » est un savoir, c’est-à-dire tout ce qui nous enseigne ce que Rousseau appelle le dictamen, et qui n’est, tout simplement, que la conscience.

 

V. LE CROYANT ET L’ATHEE.

Le Croyant se persuade que Dieu est à l’œuvre partout dans le monde et qu’il lui impose ses Injonctions ; l’Athée sait que tout n’obéit qu’à ce que Rousseau appelle la nature et que l’AO appelle la Loi. Le Croyant> est un Dominé ou un Comparse soumis, à la fois coupable intéressé ; l’Athée est l’Individu n’exerçant que sa Souveraineté, à la fois responsable et généreux. Le Croyant est celui qui cède depuis toujours à la Tentation ; l’Athée est celui qui s’astreint chaque jour à la Tentative. Le Croyant est possédé et manipulé par son Désir ; l’Athée maitrise et façonne sa Volonté. Le Croyant est celui qui refuse de voir que Dieu est le/son Désir et/ou qui se persuade que l’Avoir-Pouvoir-gloire est l’Être ; l’Athée est celui qui a résilié Dieu parce qu’il sait que ce Mythe cache le Désir, qui sait que le Désir est en lui et qui travaille à chaque instant à lui faire échec par l’Ascèse. Le Croyant ne cherche qu’à complaire à Dieu, c’est-à-dire secrètement à se combler lui-même, selon la logique du Désir ou de ce que Rousseau appelle l’amour-propre ; l’Athée travaille à épouser toujours mieux la Loi ou la nature, c’est-à-dire clairement à aimer l’Autre, selon la logique des besoins ou de ce que Rousseau appelle l’amour de soi, lequel est tout autant l’amour d’>Autrui

Être un Croyant est facile mais a un coût infini ; être Athée est difficile mais ne promet que des gains innombrables.


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