L’ÉCRITURE INCLUSIVE
Depuis quelque temps déjà a fait son apparition ce qui est appelé « écriture inclusive ».
Rappelons que cette graphie nouvelle a été inventée et mise au point par les néo-féministes à partir de ce constat que la graphie jusqu’ici usitée présente le grave inconvénient d’ « invisibiliser » les femmes. Quand on écrit, à l’ancienne mode ou selon les anciennes règles, « tous les hommes sont mortels », les néo-féministes estiment que les femmes sont oubliées, au point peut-être que celles-ci se voient dénier leur droit à mourir comme tous les hommes ou comme tout le monde.
Mieux, c’est-à-dire pire, les néo-féministes dénoncent la règle qui veut que, dans les accords, « le masculin l’emporte sur le féminin ». Ces gens n’admettent pas qu’on écrive : « Les hommes et les femmes nés avant 1950 sont maintenant en retraite » ; mais, plus intéressant, ils n’admettent pas davantage qu’on écrive : « Les torchons et les serviettes marqués à mes initiales ». Les deux participes adjectivaux “nés” et “marqués” sont sentis comme engloutissant le féminin dans le masculin, et donc interprétés comme une oppression du masculin sur le féminin, à savoir des hommes sur les femmes, oppression allant jusqu’à anéantir ces dernières. Autrement dit, la langue et l’écriture seraient des instruments du patriarcat, donc éminemment machistes, et refléteraient le Pouvoir des Dominants que sont hommes sur les Dominés que sont les femmes.
Cependant, fort intéressant le deuxième exemple, celui du linge de maison, parce qu’il laisse apparaître une confusion entre le sexe et le genre grammatical : les torchons sont vus comme d’affreux Dominants mâles qui imposent sans vergogne leur Verticale écrasante aux malheureuses serviettes femelles ; peut-être même faut-il comprendre que les torchons sales trônent au sommet d’un Système dont l’Horizontale écrasée serait formée par les serviettes propres… Bienvenue en absurdie !
Dès lors, la solution s’impose. Il faut écrire : « Le•s homme•s et la•les femme•s né•e•s en 1950… » et « le•s torchon•s et la•les serviette•s marqué•e•s… ». Ainsi les femmes ou le féminin (re)trouve(nt) une totale visibilité et le Pouvoir patriarcal et machiste est dissout. CQFD.
Vue ainsi par le petit bout de la lorgnette, la chose est plaisante, à la limite du gag. Mais il se trouve que, considérée sous un autre angle, en l’occurrence anthropologique, plaisante, la chose l’est nettement moins.
Certes, beaucoup reste à faire pour parvenir à une égalité parfaite hommes/femmes, en particulier en matière de salaires et dans la représentativité. Mais ce combat, relevant essentiellement du Politique, est-il bien celui que mènent les néo-féministes ?
En effet, à observer leur attitude, à écouter le ton de leurs propos, et à envisager globalement le contenu de leur discours militant, une évidence s’impose : l’écriture inclusive fait de leur part l’objet d’une Injonction. À leurs yeux et dans leur bouche, qui n’y obéit pas, qui ne s’y soumet pas, à savoir n’utilise pas cette graphie, celui•celle-là est un•e fasciste suppôt du patriarcat le plus archaïque, et mérite d’être mis•e au ban, ostracisé•e, dénoncé•e, vilipendé•e en public et bientôt peut-être brûlé•e sur un bûcher et pendu•e en place de grève jusqu’à ce que mort s’ensuive. Autrement dit, les néo-féministes se constituent en une véritable Inquisition – à savoir qu’ils font régresser l’humanité dans le Religieux, et le plus intolérant comme le plus intolérable. Au lieu de briser la Verticale écrasante que font peser les hommes sur les femmes pour la remplacer par une Horizontale parfaite d’égalité, ils ne font que la retourner ; au lieu d’œuvrer à une société de citoyens égaux et responsables, une République, ils cherchent à instituer un nouveau Système où ils seraient des Dominants accablant les Dominés masculins de culpabilité inexpiable – et des Dominants dont chacun se prend pour et agit comme un Torquémada. En un mot, au lieu d’œuvrer à la justice, ils consomment une vengeance.
Où est le gain – à part le plaisir (mauvais) qu’ils y trouvent ?
En fait, bien loin d’être des citoyens œuvrant de toute leur Volonté, ils (pronom neutre : femmes et hommes) cèdent avec ivresse à la Tentation de leur DÉSIR (agressif, ô combien !)
Bref, ces gens vont exactement au rebours de ce qu’il faudrait viser et enfin établir…