LES ÉTATS-UNIS D’EUROPE
Scrutant les discours et le comportement de l’actuel président de la République et à l’affût de tout ce qui se dit du personnage et autour de lui, Philippe de Villiers déclare (CNews 05.01.2024) qu’ « Emmanuel Macron se pense d’ores et déjà en président des États-Unis d’Europe ».
Fondée ou totalement fantaisiste, cette déclaration invite à une double réflexion, la première relevant de l’ontologie et la seconde plus spécifiquement de l’anthropologie.
I. LE DÉSIR ET LE POUVOIR.
La formule de Philippe de Villiers permet d’abord de mettre en lumière la mécanique du *Désir et d’observer l’individu qui en est possédé, ou le *Comparse. Alors qu’il n’était encore que ministre mais briguant déjà la magistrature suprême, Nicolas Sarkozy, autre Comparse en chef, avait déclaré : « Après avoir été sous-chef, on devient chef. » Autrement dit, un objet du Désir une fois saisi, cet objet cesse d’être intéressant, et c’en est un autre, situé évidemment plus haut dans le *Système, qui fixe l’attention voire l’obsède. Il n’est pas autrement étonnant que notre Jupiter national obéisse à cette logique, lui qui avait déclaré, lors du premier quatorze juillet de son premier quinquennat, et devant un général, du reste frère du Philippe sus-visé : « Je suis votre chef ! » se posant ainsi résolument en *Dominant ou en tenant du *Pouvoir, bien loin de l’idéal républicain qui est d’ *Autorité au service de la souveraineté du peuple. Emmanuel Macron démontre en toutes circonstances qu’il entend tout régenter, ignorant totalement l’intérêt général ou les Français et centré uniquement sur son intérêt particulier ou sa petite personne. Aux antipodes du général de Gaulle qui se faisait une « certaine idée de la France… », désignant ainsi cette Transcendance vraie qu’est la Nation au service de laquelle il mettait toute sa *Volonté, Emmanuel Macron se bricole une certaine idée de lui-même, maçonnant ainsi cette Transcendance fausse qu’est l’objet de son Désir.
Évidemment, bien que tout le trahisse, il ne saurait l’avouer. Jean-François Coppé, qui savait de quoi il parlait en la matière, déclarait un jour que le vocable « ambition » n’est pas un gros mot : ce mot en tout cas l’est assez pour que tel qui l’emploie éprouve le besoin de déclarer qu’il n’en est pas un. L’ambition, c’est le Désir, et le Désir a toujours quelque chose de honteux, aussi cynique que soit le Comparse au sommet qui en fait son moteur. D’où le recours au *Mythe, c’est-à-dire à la belle devanture dérobant la vilenie ou la violence. En l’occurrence, le Mythe auquel a recours Emmanuel Macron est « l’Europe », avec ses variantes que sont « la paix », « la concurrence libre et non faussée » ou « le ruissellement ».
Mais au fait, cette Europe, si c’est une Transcendance, celle-ci est-elle vraie ou fausse ? C’est le deuxième point auquel invite à réfléchir la déclaration de Philippe de Villiers.
II. LE DÉSIR ET L’HISTOIRE.
Le problème qui se pose ici est à la fois simple et ample : cette notion d’États-Unis d’Europe (ÉUE) va-t-elle dans le sens de l’histoire ?
Posons d’abord que si les États-Unis d’Amérique (ÉUA) sont un modèle, ce modèle n’est pas, et en rien, et au grand jamais, un modèle de démocratie : il s’agit d’une ploutocratie aussi parfaite qu’impitoyable, à savoir d’un pays à genoux devant l’idole Fric, ou devant cet objet du Désir qu’est l’Avoir, donc en fait d’un pays au Pouvoir des riches, et qui dissimule cette violence derrière des Mythes comme « La Nation » saluée la main sur le cœur ou comme « In God we trust » avec un dieu bénisseur de dollars. Les ÉUA sont certainement le faîte du *Religieux dans le monde (le Religieux divin dissimulant le Religieux mondain). Il serait dramatique, si ce n’est tragique, que l’Europe se pose en *Rival des ÉUA dans le culte du dieu Avoir. Si tel était le sens de l’histoire, il vaudrait mieux que l’histoire s’arrête…
Ensuite, il faut examiner un autre point. Les ÉUA ont été une fédération dès le début : les ÉUE devraient en devenir une ? C’est-à-dire que les Nations européennes devraient abandonner leur souveraineté, leur identité, leur culture, pour devenir des états fondus dans l’ensemble ÉUE comme le sont l’Idaho ou le Minnesota dans l’ensemble ÉUA ? Qu’en serait-il alors ? Sur le plan de l’individu, le mouvement relevant de la *Loi est celui d’une affirmation toujours plus exigeante de la *Différence, c’est-à-dire obéissant à la logique de l’ *Autre : est-ce que les nations iraient en sens inverse, et devraient se fondre ou se dissoudre politiquement culturellement, linguistiquement, dans des ensembles plus grands, c’est-à-dire obéissant à la logique du *Même ? Est-ce que des grandes nations comme la France, l’Espagne ou l’Italie ont vocation à devenir de simples provinces des ÉUE ? Est-ce qu’elles devront toutes parler le globish ou le volapük européen comme les ÉUA parlent l’anglais américain ? Ce serait régresser de la *Verticale dans l’ *Horizontale, et de l’Autorité, régime de la *République, dans le Pouvoir, régime du Système.
Dans le cadre de l’AO cette éventualité apparaît comme une monstruosité : chaque nation est une Transcendance vraie, qui ne saurait avoir pour vocation de se fondre dans cette Transcendance fausse qu’est les ÉUE si ceux-ci ne sont qu’un Système dont le Dominant est l’Avoir, Avoir dont Jupiter Macron, lui qui personnifie si bien également le Pouvoir et la gloire, serait l’incarnation auto-satisfaite et méprisante.