L’EUROPE ET LE RELIGIEUX

Dans quelques semaines, les élections européennes. Sans doute n’est-il pas mauvais d’examiner l’événement de près pour se mettre les idées au clair avant de glisser un bulletin dans l’urne, ou d’y renoncer d’ailleurs car l’abstention pourrait se fonder sur de bonnes raisons.

D’abord, rappelons la différence entre le *Système et la *République.

I. SYSTÈME ET RÉPUBLIQUE.

Le Système peut se représenter schématiquement sous forme d’un triangle. La base, ou l’ *Horizontale, est la masse quelque peu indifférenciée que constitue l’ensemble des *Dominés ; le sommet est occupé par un personnage ou par une caste, entité individuelle ou collective qui fait fonction de *Dominant ; dans la *Distance qui sépare la base du sommet s’étagent toutes sortes de degrés qui constituent la *Hiérarchie inhérente à cette structure. En poussant cette logique hiérarchique au plus loin, au sommet d’une Distance devenue infinie trône Dieu, et dans les étages toutes les figures de *Pouvoir qui se revendiquent représentants de Dieu sur terre (pape, empereur, roi, et tout ce qu’on veut par ordre décroissant) ; dès lors, tout en bas, l’Horizontale est celle que forme la masse des fidèles ou des sujets. Les Dominants pèsent sur les Dominés d’une *Verticale descendante et même écrasante qui prend la forme d’une foule d’ *Injonctions, avec un seul mot d’ordre : « Obéissez ! Obtempérez ! Soumettez-vous ! Écrasez-vous ! Tout le monde à genoux ! Tout le monde à plat ventre ! »

Pour représenter la République, il faut partir d’une base formée par l’ensemble des citoyens qui sont, sans exceptions, sur un parfait pied d’égalité, ce qu’on peut ou qu’on doit appeler un « peuple ». Citoyen chaque membre du peuple parce que de lui émane une Verticale, ascendante celle-là, et toutes ces Verticales citoyennes montent vers un sommet qui est en fait le peuple lui-même : elles sont les lois de la République, à l’élaboration desquelles participe ainsi chaque citoyen.

Tout tient dans donc dans la différence qui prévaut entre les Injonctions et les lois, et celle-ci est fort simple : les Injonctions, parfaitement arbitraires, sont édictées par le/les Dominant(s) dans son/leur propre intérêt ou selon son/leur intérêt particulier, c’est-à-dire en accord avec son/leur *Désir ; les lois, parfaitement rationnelles, sont élaborées par les citoyens dans l’intérêt de tout le monde ou de l’intérêt général, ce qui requiert de chacun la *Volonté de faire taire son propre Désir (*Ascèse) pour ne s’en tenir qu’à ce qui sert les besoins de tous (nourriture, abri, sécurité… et liberté, c’est-à-dire dignité, ou l’ *Être).

Le Système, construit autour d’une *Transcendance fausse, Dieu ou autre, est donc le lieu du *Religieux ; la République, élaborée autour de la Transcendance vraie, le peuple, est le lieu du *Politique. Le Religieux, c’est Un qui impose son Pouvoir à tous ; le Politique, c’est le peuple souverain qui structure l’ *Autorité mise au service de chacun. Dans le Système, l’individu n’est qu’un *Comparse, totalement aliéné ; dans la République, l’individu est un citoyen dans sa pleine *Souveraineté. C’est donc au sujet de la République seule qu’on peut parler de « peuple souverain ».

Il est évident que la République n’a encore jamais été réalisée historiquement : toute « démocratie » moderne se situe quelque part entre le Système et la République.

Qu’en est-il de « notre » Europe ?

II. L’EUROPE DE MAASTRICHT.

Premier constat, qui s’impose : il n’y a pas de peuple européen, partant il ne peut pas y avoir de peuple souverain, celui-ci ne se pouvant que dans le cadre d’une nation. Les européens ne peuvent donc pas être des citoyens, c’est-à-dire qu’aucun d’entre eux ne participe à l’élaboration des lois qui régissent la communauté européenne. La preuve en a été administrée en 2007 quand, par le traité de Lisbonne, s’est trouvé invalidé le référendum de 2005 par lequel les citoyens français et néerlandais avaient souverainement refusé la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe. Qui a procédé à cette invalidation, lequel est véritable déni de démocratie ? Certainement pas une instance d’Autorité puisque celle n’a de sens qu’élue et qu’en Europe aucune ne l’a jamais été. Ceux qui dirigent, ceux qui décident, sont donc des Dominants, qui imposent leur Pouvoir à l’Europe tout entière, et selon la force discrétionnaire de leur Désir, à savoir de leurs intérêts, en l’occurrence matériels. Il est évident que l’Europe de Maastricht est au service des marchés, donc des financiers. Autrement dit, l’objet du Désir des Dominants de l’Europe est l’Avoir, et c’est à toute l’Europe qu’ils imposent ce Religieux du dieu ou de l’idole « fric ».

L’Europe maastrichienne est donc un Système caractérisé, tout imbue de Religieux (mondain), n’ayant rien, plus rien de la République, étant même résolument anti-démocratique.

Voter ? Qui, à part les quelques-uns qui y ont intérêt, a envie de voter pour régresser du Politique dans le Religieux, ou du citoyen (français, espagnol, italien, etc.) au Comparse européen ? Qui a envie de ce vote ontologiquement suicidaire ?

Voter pour une Europe des Nations, oui, mais pour l’Europe des marchés, qui ?

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