NOTRE-DAME ET JUPITER

Le 15 avril 2019, Notre-Dame-de-Paris flambait. L’émotion était considérable non seulement chez les Parisiens, non seulement chez les Français, mais aussi dans tous les pays du monde. Pourquoi ? Non que cette cathédrale soit la plus belle de toutes : le natif de Reims que je suis affirme sans ambages que l’édifice qui accueillait les sacres dépasse en splendeur sa sœur parisienne. Mais cette dernière, par sa localisation, au plein cœur de Paris, acquiert une signification à laquelle ne peut prétendre aucune autre. Laquelle ?

Toute nation doit se révérer elle-même, non par Désir – cette attitude, essentiellement comparse, est celle des nationalistes, ou de ceux qui établissent une Hiérarchie entre les pays et situent le leur au sommet – mais par besoin, attitude adulte adoptée par ceux qui sentent que leur pays doit servir un idéal par lequel il se dépasse lui-même. La première attitude est profondément religieuse, la seconde résolument politique. À ce titre, la première est une transcendance fausse, la seconde une transcendance vraie. Cette dernière a besoin de Symboles : avec le drapeau bleu, blanc rouge, la Marseillaise et la Tour Eiffel, Notre-Dame-de-Paris est l’un de ces Symboles. Mais pour la cathédrale, l’émotion mondiale l’a montré, elle est le Symbole de quelque chose d’autre encore : tout citoyen du monde, levant les yeux sur les tours et sur la flèche, contemple ce que l’humanité recèle de plus haut, qui vaut tous les efforts et se mérite toute gratitude.

C’est le meilleur d’elle-même que l’humanité a vu brûler ce jour-là.

Et c’est alors qu’entre en scène le Président de République française. Et que dit-il ? « La cathédrale sera rebâtie en cinq ans. » Tous les experts, qu’il n’avait certainement pas consultés avant de parler, affirment que cette reconstruction, si elle doit s’exécuter comme il se doit, exigera dix ans au bas mot, peut-être quinze. Alors ?

Ce qui a éclaté dans la déclaration présidentielle, laquelle était presque une Injonction, c’est le Désir, parfaitement reconnaissable à l’exigence d’immédiateté, même si celle-ci a dû composer quelque peu avec le réel, qu’elle continue de violer malgré tout en imposant un délai aussi bref. Emmanuel Macron ne tient aucun compte de la Volonté de ceux qui savent et de ceux qui font : il décide. Jupiter impose son Pouvoir aux hommes et aux choses. Peu lui importe que la cathédrale soit rebâtie de briques et de tics, de brocs et de tocs, pourvu qu’elle le soit vite ! Tout au Désir de laisser son empreinte dans l’histoire, mais sachant bien n’avoir pas le temps de faire bâtir une Arche de la Défense, une Pyramide du Louvre ou une Bibliothèque nationale, il se saisit de l’incendie, qu’il doit bénir à la hâte, comme de l’occasion inespérée d’imprimer sa griffe ou sa serre dans la pierre.

Mais alors, que devient la transcendance vraie et le Symbole de l’humanité ?

C’est en fini, ce n’est plus Notre-Dame-de-Paris. C’est maintenant la transcendance fausse, ou Notre-Dame-de-la-Macronie.

Holà Jupin ! Bas les pattes ! Tu as été (mal) élu, mais ce n’est pas pour autant que, de tout ce qui fait la France et encore moins de tout ce qui fait l’homme, tu peux décréter : « Ceci est à moi ! »

Que chacun le lui fasse savoir !

2 thoughts on “Notre-Dame et Jupiter

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