ONFRAY sive CAMUS ?

Samedi 10 mars, Michel Onfray était à Rivesaltes pour parler de son dernier livre, « L’ordre libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus ».

Si on écoute Michel Onfray avec un tel intérêt, c’est sans doute parce qu’il ne s’adresse pas seulement à la tête mais aussi au cœur, pas seulement à ce qui pense mais aussi à ce qui vibre. Avec Freud, il avait fait vibrer une lame ; avec Camus, il fait vibrer une corde.

« Un homme impeccable…» résume Onfray.

Il se trouve qu’Onfray, pour nous faire comprendre qui est ce philosophe et cet écrivain, propose un Sartre versus Camus.

Sartre ou l’homme de l’idée, Camus ou l’homme du réel ; Sartre ou le philosophe d’intérieur, Camus ou le philosophe au soleil ; Sartre ou la démagogie dans les usines, Camus ou la rectitude devant l’histoire ; Sartre ou le doctrinaire prêt à sacrifier la vie au Mythe, Camus ou le libertaire prompt à récuser le Mythe au profit de la vie. Sartre face à Camus, c’est la simplification caricaturale et péremptoire face à l’approche humaine, flexible et attentive. C’est sans doute pourquoi le premier intime l’engouement idolâtre quand le second suscite l’adhésion affectueuse : c’est le sectarisme face à l’humanisme, le dogme face à l’homme.

Alors, au terme de la conférence, on sait qu’il nous reste à prendre nos distances avec un Pouvoir intellectuel pour relire tout ce qu’a produit une Autorité morale, à critiquer un moralisme impérieusement révolutionnaire pour explorer une éthique fraternellement solidaire.

Peut-on remercier assez Michel Onfray de ce grand coup de clarté qu’il nous prodigue, bien loin qu’il nous l’assène jamais ?

A la fin, après l’avoir écouté parler si bien et si juste, on s’interroge : entre Michel Onfray et Camus, que se passe-t-il ? Quand Michel Onfray parle de Camus, on a l’intime conviction d’assister à une conjonction : Onfray et Camus. Mais si, au lieu que ce soit Camus et Onfray, c’était Onfray sive Camus ?

Camus sive Onfray : sans doute sa modestie n’y consentirait-elle pas, mais lui-même ne peut faire que, lorsqu’on l’écoute parler de Camus, on n’entende deux voix, sinon qui se confondent, du moins qui se répondent, sinon qui s’égalisent, du moins qui sympathisent. En quoi, comme avec tant de penseurs oubliés ou verrouillés par le discours officiel, Michel Onfray assume quant à Camus le rôle d’un passeur à la fois enthousiaste et humble. Tant de « penseurs » réduisent leurs lecteurs à merci : Michel Onfray ne suscite chez eux que le merci.

Si bien qu’au total, nous vient une dernière question : celui qui est venu nous parler de Camus, quel philosophe est-il ?

En l’écoutant, sans cesse, on se pose la question : « Et moi ?» Dès lors, plus aucun doute : bien loin d’être aucunement ce que l’AO appelle le Dominant, Onfray a tout de ce qu’elle nomme le Mentor. Michel Onfray un modèle ? Sans doute pas. Un exemple ? A coup sûr ! Non pas une icône qu’on imite, mais une figure qui inspire. Il m’apparaît comme quelqu’un qui nous incline à pratiquer non pas le religieux mais l’Athéisme, puisqu’il ne se désire pas un dieu qu’on singe (L’Imitation de Jésus-Christ…), mais qu’il se montre un homme qui éclaire (Humain, trop humain…).

Il faut rendre hommage à un penseur qui semble si simplement soucieux de ne pas appeler le snobisme servile et prétentieux, mais qui vise à éveiller la conscience souveraine et pondérée.

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